Séance du 19 janvier
Les héros restent quelques instants figés devant la scène macabre. Earan se décide à agir. Profitant de l’état de faiblesse des prêtres de Shar, la drow engage le combat. Ninaran lui emboite aussitôt le pas, rapidement suivi par Amour, puis les autres compagnons. Les ennemis se défendent à peine : ils ont accompli leur mission divine, sont arrivés au terme du rituel qui les maintient éveillés et en transe depuis tant d’heures déjà, ils attendent la délivrance de la mort. Earan fait prisonnier l’un des lanceurs de sorts. Les autres sont achevés sans autre forme de procès. Le captif affirme aux héros qu’ils arrivent trop tard, que le sceau et brisé et le portail ouvert, que Kalarel est passé, que rien ne peut empêcher maintenant le retour du dragon… Amour s’approche du portail. Un froid engourdissant en émane. Sur sa surface, les reflets de la salle se mêlent à ceux grisâtre de sa destination : une végétation morte et tortueuse, une paroi de roche sombre. Douven, assisté d’Earan et Eleryl, tente de comprendre ce qu’il s’est passé ici. Il consulte à nouveau les parchemins, observe les runes tracées au sol par les cultistes, cherche une signification aux sacrifices perpétrés ici. Il était question d’âmes lorsqu’autrefois les mages du Cormyr scellèrent le portail. Une telle manipulation paraît d’ailleurs bien étrange pour des arcanistes bons et loyaux. D’autres âmes encore sacrifiées sur l’autel de Shar aujourd’hui. Une constante, l’équilibre d’une équation. Mais les héros ne voient aucun moyen de reconstruire le sceau et fermer le portail, et commencent à perdre espoir. Gorash, sous la surveillance attentive de Gurbath, s’empare de l’une des quatre gemmes encore intactes. La pierre d’apparence inerte pulse en réalité d’une vive énergie arcanique. Lorsque le shaman s’approche du portail pour l’insérer dans l’un des orifices de son cadre de pierre, la gemme entre en résonnance. L’énergie dégagée par ce processus devait autrefois alimenter le sceau. Ce dernier étant aujourd’hui brisé, l’énergie se dissipe en une douce chaleur. Gorash comprend: cette lente pulsation, cette douce chaleur ; il tient entre ses mains quelque chose de vivant. Les mages du Cormyr ont autrefois sacrifié leurs propres âmes en les enfermant dans ces gemmes. C’était le prix à payer pour maintenir à jamais le sceau en place. Le shaman fait part de sa découverte à ses amis. Immédiatement, Douven acquiesce : tout se tient !
Gurbath prend alors la parole. "Ainsi vous savez." dit-il posément. Cette réflexion provoque une réaction immédiate d’Amour qui tente d’abattre son épée sur l’une des gemmes. Mais Gurbath parvient à retenir le coup. "Ne fais pas ça." ajoute-t-il. Le goliath, bouillant de rage, menace de frapper le tiefelin. Gurbath explique alors que les gemmes lui reviennent et qu’il les veut intactes, qu’il doute qu’une simple lame parvienne à les briser. Les héros somment alors Gurbath de s’expliquer. Malgré son assurance, ce dernier sait, pour en avoir déjà fait les frais, qu’il aurait quelques difficultés dans un affrontement direct contre le groupe. Il dévoile alors enfin sa véritable identité. Il est l’envoyé d’Asmodée, maître suprême des neufs enfers ; il est le garant du pacte passé autrefois entre son maître et les mages de Cormyr. Ces derniers, incapables de réaliser seuls les manipulations arcaniques nécessaires au transfert de leurs âmes ont du faire appel aux puissances diaboliques. Damnés pour damnés, qu’avaient-ils de plus à perdre… Gurbath détache son armure, et défait sa chemise. Les termes du contrat sont tatoués sur sa peau : le sceau étant brisé, les âmes des mages appartiennent à son maître, et doivent regagner les enfers, où elles connaitront un long cycle de réincarnation, et deviendront ultimement des créatures puissantes au service des enfers, prêtes à se battre sans fin dans la guerre sanglante qui les opposent aux démons des abysses. Douven pense que les mages du Cormyr constituent le seul espoir d'enrayer la menace que constitue Shadraxil. Les héros négocient. Ils laisseront Gurbath accomplir sa mission, à condition qu’il leur permette d’entrer en contact avec les esprits des mages et de requérir leur aide. Le fiélon lance un regard interrogateur à Ninaran, qui lui répond d’un signe de la tête. Un accord d’entraide similaire existait déjà entre eux.
Gurbath accepte donc de libérer les esprits pour aider le groupe dans son entreprise. Il incante alors un rituel étrange, prononce des paroles dans une langue inconnue. Quatre formes fantomatiques en longue robe blanche sortent des gemmes, et se rassemblent au milieu des héros. Malgré leur emprisonnement, les mages du Cormyr avaient conscience de leur environnement. Peu de mots suffisent donc pour leur expliquer la situation. Les mages s’expriment dans une langue surgie du passée, telle qu’on la parlait au Cormyr près d’un siècle avant la Magepeste. Selon eux, le cataclysme a grandement altéré le portail. En réalité, la nature de la magie elle-même est différente. Lorsque Mystra, la déesse de la magie est morte, c’est toute la toile arcanique qui s’est effondrée. Les sphères de magie et les motifs rigoureux des flux qui existaient alors ont tous disparus, pour laisser place à une nouvelle forme de magie, plus brute, plus mouvante. Là où autrefois la réponse était l’équilibre et l’immobilisme (figer le portail par un sceau), la réponse d’aujourd’hui se situe dans le changement et l’altération. Les mages expliquent qu’il devrait être maintenant possible de modifier le portail planaire, d’en briser les chaînes, et d’entrainer la prison ombrale à la dérive dans les plans, loin des Royaumes Oubliés. Mais pour cela, les mages doivent agir depuis la Gisombre, de l’autre côté du portail. Le rituel prendra de longues minutes, pendant lesquelles les mages ne devront pas être interrompus. Les héros devront les protéger. Gurbath assistera les mages, et préviendra les aventuriers juste avant la complétude du rituel. Les héros n’auront alors que quelques secondes pour franchir de nouveau le portail dans l'autre sens.
L’entreprise est risquée mais le plan est soigneusement préparé, contrastant ainsi avec l’improvisation dont les héros ont fait preuve jusque là. Amour s’engouffre le premier dans le portail, suivi de près par le reste du groupe au grand complet. Le froid engourdissant et le puissant sentiment d’abattement qui caractérise la Gisombre saisit les héros. Les talismans de protection semblent aider leurs porteurs à résister à ces effets. Le groupe découvre un paysage grisâtre : une végétation morte et tortueuse, une paroi de roche sombre d’où tombe une petite cascade d’eau trouble qui s’écoule chaotiquement dans une rivière peu profonde. Le Val de Nentir ressemble ici davantage au cratère d’un immense volcan, cerné de toutes parts par d’infranchissables montagnes grises. Les esprits des mages de Cormyr se mettent rapidement en position. Au loin, dans une grotte derrière la cascade, se distingue l’immense silhouette de dragon de Shadraxil ; des formes humanoïdes sont à ses côtés, dont probablement Kalarel lui-même. D’autres ennemis font face aux héros. A peine quelques dizaines de mètres les séparent du groupe le plus proche constitué de guerriers cultistes berserkers, de prêtres et de sombres serviteurs de Shar, et même d’un petit rampant obscur encapuchonné à la peau verdâtre. Amour et Mishka cherchent à s’interposer. Gorash invoque l’esprit de la panthère pour entraver la course des ennemis. Ninaran invoque des araignées géantes avec le même objectif. Eleryl et Earan provoquent leurs ennemis pour attirer leur attention. Chacun utilise ses plus puissants pouvoirs pour mettre en difficulté leurs adversaires, tantôt ralentis tantôt immobilisés, tantôt projetés à terre : tout est bon pourvu qu’ils ne prennent pas les mages pour cible. Les ennemis ripostent avec violence. Les berserkers en rage font virevolter de longues chaînes pourvues de lames acérées qui découpent les chairs. Les sabres des sombres serviteurs infligent de douloureuses blessures nécrotiques. Les prêtres, à distance, envoient de sombres rayons noirs. Les héros parviennent malgré les attaques à infliger quelques pertes à leur ennemis. Le rampant obscur périt dans une explosion de ténèbres aveuglantes. Plusieurs ennemis sont néanmoins parvenu à atteindre le cercle de magie, obligeant ainsi les aventuriers à rester groupés et sur la défensive. A ce moment, Shadraxil se met en mouvement. L’immense masse d’ossements, de chairs nécrosées, et de matière d’ombre sort de la cascade. Kalarel emprunte le même chemin. Les héros sont alors saisis de panique : il suffirait d’un souffle de dragon, d’un sortilège de zone de Kalarel, et tout serait fini, et ils auraient échoué. Le dragon atteint le cercle de magie, mais immédiatement Earan fait diversion et attire son souffle sur elle, protégeant une nouvelle fois les mages. Eleryl s’élance contre Kalarel, l’obligeant à adopter une position défensive. Les héros entendent alors le signal de Gurbath, tant attendu. Sachant qu’il ne leur reste que quelques instants, ils interrompent aussitôt le combat, et se lancent dans une course effrénée vers le portail, au mépris des attaques adverses. Ils y parviennent, s'y engouffrent têtes baissées, et s’effondrent sur le sol maculé de sang de la grande salle souterraine. Ils sont gravement blessés, mais vivants. Le portail disparait derrière eux…
Dans la vallée, les attaques des morts-vivants et des kobolds ont cessé. Les aventuriers retournent au village de Havrefroid sans encombre. Tristan et Delphina retrouvent leurs familles respectives, éternellement reconnaissantes. Les aventuriers sont accueillis en héros. On donne une fête en leur honneur dans la taverne. Amour lance un concours de bras de fer auquel, par politesse, les membres de l’Active acceptent de participer. On déplore trois bras cassés. Mishka passe une partie de la soirée les yeux plongés dans les gemmes qu’il a finalement récupérées à l’insu de tous. Elles devraient lui assurer un avenir confortable. Il passe l’autre partie à subtiliser quelques bourses, car on ne sait jamais… Earan, autrefois exclue, souvent victime des préjugés envers sa race, profite de cet instant où chacun apprécie sa compagnie. Elle a gagné sa place dans le groupe de héros, et se sent fière d’être drow. Eleryl déclame quelques vers témoignant de leurs exploits. On l’aperçoit plus tard dans la soirée se dirigeant vers le temple en la charmante compagnie de Linora. Gorash participe un temps à la fête puis sort prendre l'air à l’extérieur. Ninaran, bien que toujours peinée de sa séparation avec son amant, l’accompagne. Ils communient en silence avec la terre, le ciel et les esprits: tout comme les hommes, les forces de la nature leur sont reconnaissantes. Gurbath sera bientôt de retour aux enfers, sa mission accomplie. Il y découvrira que la Guerre Sanglante est finie. Ne pouvant accepter une collaboration avec les démons, il retournera finalement errer dans les plans, et reviendra occasionellement arpenter les Royaumes Oubliés.
Le lendemain, Douven a déjà tourné la page. Enjoué, et aussi extravagant qu’à l’accoutumée, il s’adresse aux héros : "J’ai réfléchi à cette histoire de diables et de démons, et je me disais que c’était un sujet d'étude passionnant. Figurez-vous que justement il se trouve que je connais un village reculé où...". L’histoire ne dit pas qui des héros fut le plus prompt à le faire taire.
FIN
lundi 25 janvier 2010
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